L’art du Tai Chi Chuan remonte très loin dans l’histoire : il fut fondé par Chang San Feng, un moine taoïste qui naquit dans le 14ème siècle. On dit qu’il fut inspiré par un combat entre une grue et un serpent. On y trouve une infinité de liens avec l’histoire et la tradition chinoise, y compris les autres arts martiaux chinois et la médecine chinoise.
Les différentes écoles de Tai Chi Chuan
Au cours de son histoire, le Tai Chi Chuan a évolué à travers différentes écoles. Une école est née lorsqu’on constate des différences considérables avec d’autres écoles ; le plus souvent, l’élève devenu maître adapte et reconfigure son art par rapport à ce qu’il a appris.
Au centre de toutes les lignées se trouve le village du clan des Chen. C’est là où Yang Lu Chan, le grand-maître à la racine de la plupart des écoles, apprit l’art au milieu du 19ème siècle.
L’école Chen
La pratique de l’école Chen aujourd’hui diffère considérablement de l’école Yang et ses dérivés. Le Tai Chi Chuan style Chen est originaire de Chenjiagou, un petit village chinois du district de Wenxian. Il aurait été créé par le maître Chen Wangting (1600-1680). Ses enchaînements appelés «Formes» se caractérisent par des mouvements combinant une force explosive venant de l’intérieur et une gestuelle très fluide, souple et mouvante. Cette pratique, très complète, comprend des enchaînements avec des partenaires entre autres les «tuishou» ou «poussée des mains» pratique longtemps restée familiale, et qui s’est par la suite propagée.
L’école Chen est aussi particulière parce qu’elle ne reconnaît pas Chang San Feng en tant que fondateur de l’art : selon eux ce fut Chen Wang Ting et la transmission de l’art serait restée dans la famille Chen jusqu’à Yang Lu Chan.
Le Tai Chi style Chen est le plus ancien des styles de Tai Chi Chuan.
L’école Yang
Il faut distinguer l’école Yang (où même la pratique officielle de la famille Yang) de la lignée Yang, qui comprend diverses autres écoles à titre individuel (notamment le style Wu). L’école Yang est l’école la plus répandue aujourd’hui avec de maintes variantes. Elle est descendue du légendaire Yang Lu Chan (Yang l’invincible) qui a amené le Tai Chi Chuan dans la lumière du grand jour lorsqu’il enseigna à la noblesse mandchoue vers la fin du dix-neuvième siècle.
Dans les premières décennies du XIXème siècle, le Tai Chi Chuan n’était enseigné qu’à quelques élèves par la famille Chen. Comme les membres de la famille Chen n’acceptaient pas «d’étrangers» parmi leurs élèves, Yang Lu Chang eut recours à un stratagème en se faisant embaucher comme domestique dans cette famille dont il épia les leçons de Tai Chi Chuan pendant longtemps, s’entraînant en cachette pendant la nuit.
Le maître finalement le découvrit mais, étonné par l’habilité montrée par le jeune et rusé domestique, il décida de l’accepter parmi ses élèves. Yang Lu Chang devint en peu de temps le meilleur d’entre-eux et, d’après la légende, était invincible. Il s’installa ensuite à Pékin où il ouvrit une école et commença à enseigner son art. Son style avait moins de variations de vitesse que celui de ses maîtres. Et de fait les diverses Formes des styles Yang ont une apparence moins «martiale» que les Formes Chen du fait que les «fà jin», phases d’émission de l’énergie interne, sont moins explosifs. Yang Cheng (1833-1936) fut un éminent représentant de ce style.
A partir de Yang Lu Chan, c’est surtout grâce à son petit-fils Yang Chen-Fu que l’on a vu se développer l’école Yang. La pratique est moins gymnique que dans l’école Chen, les mouvements plus calmes.
Le Tai Chi style Yang est le plus répandu en occident.
L’école Wu
Yang Lu Chan avait trois fils qui enseignèrent le Tai Chi Chuan : Yang Ban Hou, Yang Feng Hou et Yang Jian Hou, la plupart des écoles Yang remontant à Yang Jian Hou, qui changea la forme à mains nues et eu comme élève principal son fils, Yang Cheng Fu.
Entre les élèves de Yang Ban Hou, pour la plupart des militaires, se trouvait un certain Quan Yu (dont le nom de famille fut Wu). Il enseigna à son fils, Wu Jin Chuan, fondateur de l’école Wu. Wu Jin Chuan enseignait beaucoup dans plusieurs grandes villes (Beijing, Shanghai, Hong Kong, …) et avait un grand nombre d’élèves, d’où la popularité de l’école – l’une des principales lignées. Le père de Wu Jin Chuan, Wu Quan Yu (le plus souvent on n’utilise pas son nom de famille dans les généalogies) enseigna à d’autres ainsi que à son fils. Ainsi, on parle parfois d’une école Wu du nord : Beijing au lieu de Shanghai. L’école Wu du Nord présente des différences intéressantes avec les écoles Wu (du Sud) et Yang – les postures sont plus exigéantes surtout. Autrement, la pratique de l’école Wu ressemble beaucoup à l’école Yang, selon les styles et les maîtres.
Autres écoles de Tai Chi Chuan
La plupart des écoles Yang suivent la lignée de Yang Chen-Fu, mais d’autres sont issues de l’enseignement de l’autre fils qui enseignait à l’extérieur de la famille : Yang Ban-hou. Souvent la pratique dans ces écoles comprend plus d’éléments martiaux, y compris un certain accent mis sur le Tui Shou. La forme, en revanche, reste le même sauf quelques petites variations. Bien plus radical est l’école Cheng Man Ching, élève de Yang Cheng Fu, où M. Cheng décida que la forme Yang traditionnelle était trop longue : il l’a donc fait passer de 108 mouvements à 37. Qui plus est, les postures sont beaucoup plus hautes que dans la plupart d’autres écoles traditionnelles, avec le dos tenu vertical en permanence. C’est une des écoles les plus populaires aujourd’hui, surtout parce que la plupart de ses adhérents (au moins en occident) ont une pratique orientée vers une amélioration de la santé.
La Théorie de Tai Chi Chuan
Le principe central – le doux l’emporte sur le dur
L’image centrale de Tai Chi Chuan et du Taoïsme est le symbole Tai Chi avec ses deux couleurs ou forces complémentaires: le Yin et le Yang. Yin représente l’obscur, le faible, le lent, le doux, alors que le Yang représente le clair, le fort, la vitesse, le dur. Conformément à la théorie taoïste, le Tai Chi Chuan cherche à faire marcher cette approche philosophique de complémentarité dans le cadre d’un art martial.
Ainsi, un agresseur représente une force Yang, envahissante et attaquante. Il nous convient donc d’accueillir cette force par le Yin : au lieu de résister à la force (qui a pour résultat que le plus fort gagne), le pratiquant de Tai Chi va faire en sorte que la force attaquante n’aille nulle part. Il suffit de déplacer le corps plus ou moins pour s’écarter de l’attaque. En suivant le cycle naturel de cause et d’effet, le déplacement donne lieu à une contre-attaque (Yang) contre les parties vulnérables de l’adversaire (cou, yeux, articulations, points nerveux ou vitaux …) – c’est à dire le Yin.
Parce que l’art est conçu justement pour ne pas résister à la force, mais pour la contourner de façon intelligente, le Tai Chi Chuan est un art martial bien adapté aux personnes de faible stature qui n’ont pas forcement beaucoup de force physique, telles que les personnes âgées, les femmes ou bien les enfants.
La stratégie des 5 principes
1. Nian – adhérer
Pour pouvoir ressentir les intentions de l’adversaire, il est nécessaire d’adhérer à son mouvement. La mise en œuvre la plus évidente de ce principe se trouve dans le Tui Shou, où le pratiquant cherche à utiliser ses bras comme des antennes pour » écouter » l’autre. Plus il y a de contact physique, bras sur bras, plus les antennes peuvent fonctionner.
2. Lian – connecter
Il convient de penser à la façon dont les différents os sont reliés dans le corps. Chacun est séparé des autres mais ils vont tous bouger ensemble. Le pratiquant de Tai Chi Chuan cherche à faire la même chose dans l’ensemble de ses mouvements. Une attaque donne une esquive qui donne une attaque, le tout dans un seul mouvement, composé d’un ensemble de gestes et de déplacements.
3. Mian – douceur
Pour que nous puissions écouter l’adversaire, nous devons être calme, détendu, doux. Cette douceur, face à un attaquant, est bien sûr relativement difficile à acquérir : le plus souvent l’élève confronté à une agression plus ou moins menaçante va se crisper dans une tension réflexe. Le Tai Chi Chuan nous aide à développer des meilleures réactions, plus calmes et donc plus rapides et plus souples.
4. Sui – suivre
Adhérer n’est pas seulement une question d’utiliser les mains pour ressentir l’intention de l’adversaire. Nous devons aussi le suivre dans ses déplacements : il avance, je recule ; il recule, j’avance, …
5. Bu Diu Ding – le refus de la force brute
Dès que nous résistons à la force de l’attaque, dès que nous devenons tendus en préparant un coup, nous nous appuyons sur le Li, la force » brute « , la force non-intelligente. Ainsi, nous perdons tous les avantages de l’art de Tai Chi Chuan.
La Pratique – 5 éléments
La pratique de l’art de Tai Chi Chuan comprend cinq éléments qui forment ensemble l’art complet.
Tui Shou – la poussée des mains
Traduit comme « la poussée des mains », le Tui Shou est un ensemble d’exercices à deux qui entraînent la sensibilité envers l’autre, exercices qui cherchent à « écouter » la force de l’autre (Ting Jing), à la « détourner » (Hua Jing) et à répondre en « émettant » sa propre force (Fa Jing), toujours en suivant les principes du cercle, de la non-résistance et de la souplesse.
La Forme
La forme, le Tao Chuan, est un enchaînement de mouvements à mains nues comprenant une séquence d’applications martiales exécutée lentement dans un enchaînement souple et stylisé. C’est une forme d’exercice physique très bénéfique qui calme les nerfs tout en faisant travailler la circulation sanguine et les organes internes. Ce faisant, et aussi à travers des exercices auxiliaires, on commence à corriger la posture (surtout au niveau de la colonne vertébrale), à approfondir la respiration, à développer l’équilibre (c’est à dire la « racine »), à se détendre, et à calmer l’esprit et le corps.
San Shou – applications martiales
Pour comprendre l’enchaînement, il faut connaître sa raison d’être, c’est-à-dire connaître ses applications martiales, le San Shou, éventuellement pour se fournir avec une défense personnelle efficace et saine. Il est possible même de s’entraîner pour la compétition du type « full contact », mais pour la plupart des pratiquants et pour les débutants, une simple connaissance des applications est suffisante pour une pratique informée, mais dirigée vers l’amélioration de la santé.
Les Armes – formes et applications
Aux niveaux plus avancés de Wudang Tai Chi Chuan, il y a un travail (enchaînements et applications) des Armes qui sont au nombre de trois : le sabre, l’épée et la lance. Chacune correspond à un animal : le tigre, le dragon et encore le dragon. Les formes des armes sont plus exigeants que la forme des mains : ils sont plus rapides et plus acrobatiques. On apprend d’abord le sabre, après avoir appris la forme des mains, et avant d’apprendre les exercices internes de Nei Kung.
Nei gong – le travail interne
Le Nei Kung s’apprend après être passé par un rite taoïste au cours duquel l’étudiant est formellement accepté comme disciple du Maître : la cérémonie du « Bai Shi ». Les exercices internes comprennent 12 exercices Yin et 12 exercices Yang ou le pratiquant entraîne son corps et son esprit à travers des postures et des mouvements exécutés dans un état d’esprit méditatif. Cet aspect de l’art est proche du « Chi Kung », et donne des bénéfices très importants pour le pratiquant. Le corps devient beaucoup plus souple et plus fort (résistant aux coups, par exemple) et le mental est plus clair et plus calme. La baisse de la tension, le soulagement de l’insomnie et une circulation améliorée comptent parmi les bénéfices constatés.
Les mouvements du Tai Chi Chuan
Le Tai Chi Chuan est un art fondé sur la pratique de mouvements fluides et souples, réalisés dans la lenteur. Il existe une centaine de mouvements – la vague, l’onde latérale, la danse de la grue… – à enchaîner harmonieusement dans des séquences plus ou moins longues, plus ou moins complexes.
Ondulations, rotations, étirements… tous les mouvements partent du centre du corps, là où siège l’énergie vitale. Le corps est constamment comme tiré vers le haut, la tête droite, la nuque étirée.
De l’extérieur, le Tai Chi impose par le calme qu’il dégage. D’ailleurs, cet art martial est souvent défini comme une « méditation en mouvement », une « relaxation active ». Il s’agit en effet d’atteindre un état de tranquillité intérieure tout en étant en mouvement.